La pêche électrique

La pêche électrique

J’arrêterais demain si je pouvais

Stéphane Pinto est à la fois soulagé et inquiet. En tant que vice-président du Comité régional des pêches maritimes des Hauts de France, représentant les fileyeurs de la côte d’Opale, il a participé activement au vote du Parlement européen en faveur de l’interdiction de la pêche électrique, et en tant que pêcheur artisan, il a vu son gagne-pain pâtir avec le déclin de la sole.

Quentin Bates

Il est catégorique sur le fait que la pêche par impulsion électrique est à l'origine des problèmes de la pêcherie de sole, même si la limite sud de la zone où est pratiquée cette pêche électrique se situe quelque peu au nord de Boulogne, à la limite entre les zones 7d et 4c.

« J’arrêterais demain si je pouvais », déclare -t-il.  Depuis 2012, nous avons vu nos débarquements chuter de 60%. »

France's Channel netters have been hit hard by the loss of sole

Les pêcheurs artisans français et anglais ont mené un dur combat pour mettre fin à la pêche électrique, qui a finalement abouti à une majorité écrasante en leur faveur lors du vote du Parlement européen. Il souligne que nombre de parlementaires n’avaient montré aucun intérêt pour la question, mais ont finalement été convaincus.

« Nous leur avons expliqué que s'ils ne votaient pas pour mettre fin à la pêche électrique, elle arriverait aussi en Italie, en Espagne, au Portugal et dans d'autres pays européens » précise-t-il.

Les pêcheurs côtiers de la région dépendent énormément de la sole. La flotte a évolué et compte de nombreux fileyeurs spécialisés pour qui la campagne de pêche de sole du printemps représente la plus importante source de revenus pour l'année, mais depuis la dernière bonne année en 2012, lorsque la flotte débarquait 950 tonnes de sole, les choses s’aggravent de plus en plus.

Stéphane Pinto says he would end pulse fishing tomorrow if he could

« En 2013, nous avons débarqué 892 tonnes, puis nous sommes remontés à 940 tonnes en 2014 », dit-il. « Il y avait 22 autorisations de pêche électrique dans la limite de 5% de la flotte, puis 44 en 2014. En 2015, on comptait 84 licences de pêche électrique et nos captures de sole ont chuté à 690 tonnes, alors que 80% de la capacité de pêche électrique se situait dans le sud de la mer du Nord. »

En 2016, cela a encore diminué de cent tonnes et l’année 2017 a été terrible pour la flotte de fileyeurs qui n'a débarqué que 400 tonnes de cette espèce majeure.

« C'est le seul stock qui entre en contact avec la pêche électrique, et il a diminué de façon spectaculaire depuis 2012 », déplore-t-il, ajoutant que la flotte aussi a diminué, car il devient de plus en plus difficile pour les entreprises de s’en sortir.

« On est passé de 45 fileyeurs en 2012 à 30 ou 31 aujourd'hui. »

Il explique que l'on en sait pas assez sur la répartition et la migration de la sole, malgré les nombreuses études réalisées, et qu'il existe un stock qui migre de la côte belge à travers la Manche orientale et le long des côtes françaises. Dans les années 1960, on a établi la présence d'un stock parallèle de sole qui migre le long des côtes anglaises à quelques kilomètres du côté nord de la Manche.

Sole is a key species for the Channel netters

« Des soles marquées au large des côtes françaises ont été capturés en 4C au large des côtes belges. La pêche électrique dans le sud de la mer du Nord perturbe l'ensemble de la pêcherie et affecte la migration vers nos eaux », dénonce-t-il. La pêcherie de sole plus à l'ouest ne semble pas être affectée, ajoute-t-il.  On ne pense pas que ces poissons proviennent des frayères du sud de la mer du Nord.

« Il y a beaucoup plus de pêche au large de la côte normande, dit-il. La question de la pêche électrique est désormais en débat entre la Commission, le Parlement et les ​Conseils. Reste à savoir si elle sera complètement stoppée ou reviendra à la limite initiale de 5%.

« Cela pourrait prendre trois à neuf mois avant qu’une décision soit prise, mais cela devrait arriver avant la fin de 2018, si le ministre français de la pêche fait correctement son travail » pense-t-il. Il ajoute cependant qu'il sait que cela prendra des années avant que la sole ne revienne.

« Nous pensons qu’il faudra au moins autant de temps pour que la pêcherie reprenne qu’il en a fallu pour la faire chuter au niveau actuel » conclue-t-il.