Mercator/CME

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Cela aurait pu être la fin de la pêche artisanale à Boulogne

Les quais boulonnais ont beaucoup changé ces dernières années au fur et à mesure que la flotte des chalutiers qui débarquent la pêche fraiche se réduisait drastiquement, explique Éric Gosselin, directeur de la CME.

Quentin Bates

Maintenant la tendance s’est inversée avec l’arrivée de la série de nouveaux chalutiers polyvalents.

« Nous avons désormais une année complète d’exploitation derrière nous avec les trois premiers nouveaux navires, Rose de Cascia, Marmouset 3 et La Trinité, qui ont travaillé bien mieux que ce que nous avions prévu, se félicite-t-il.

Mercator is the latest in a series of new vessels for Boulogne built under the Scopale initiative / Mercator est le dernier d'une série de nouveaux navires construits pour Boulogne à l'initiative de la Scopale

José Leprêtre sur Rose de Cascia a pêché presque exclusivement à la senne, alors que les autres ont alterné entre la senne et le chalut. Ce sont les bons navires, flexibles et polyvalents, capables de travailler au chalut de fond, au pélagique et à la senne. Cette conception est un excellent compromis et c’est plus rentable. »

Le nouveau Mercator pour Sébastien et Guillaume Leprêtre est le quatrième des nouveaux chalutiers-senneurs et le premier d’une seconde vague. Il sera suivi au printemps par Manureva puis par un nouveau chalutier-coquillier de 16 mètres en 2020. Mais ils ne seront sans doute pas les derniers de la série car la CME en prévoit déjà d’autres.

CME director Éric Gosselin / Le directeur de la CME, Éric Gosselin

« Nous espérons qu’il en arrivera d’autres. Il nous faut renouveller plus de tonnage, explique-t-il. Il y a des pêcheurs qui veulent remplacer leur navire et des jeunes qui cherchent à s’installer. C’est encourageant de voir que sur six des nouveaux navires, deux ont de jeunes patrons de moins trente ans ; le Marmouset 3 d’Olivier Leprêtre est en partie commandé par son neveu Pierre et Emmanuel Pauchet, qui attend la livraison du nouveau Manureva, travaille avec Maxime Fait, un jeune patron. »

La décision de construire de nouveaux navires a été prise il y a quelques années avec la création d’une nouvelle entreprise associant la CME, l’armement Scapêche (société du groupe Les Mousquetaires) et l’armement boulonnais Le Garrec. La Scopale a fait l’acquisition de navires auprès de patrons cherchant à se retirer, disposant ainsi des navires et des droits à produire pouvant être transférés sur de nouvelles constructions et conservant ensuite une majorité des parts dans les nouvelles entreprises afin de s’assurer que les quotas restent bien à Boulogne.

« A ce jour nous avons deux licences prêtes à servir » déclare Éric Gosselin.

Cela aurait été la fin de la pêche artisanale à Boulogne si nous n’avions pas fait cela. Boulogne a perdu vingt de ses chalutiers de 20 à 25 mètres au cours des six dernières années, plus je ne sais combien de navires plus petits. »

La pression est là, dans les eaux traditionnellement pêchées par la flotte boulonnaise, et le sentiment c’est qu’il y a trop d’activité sur cet étroit plan d’eau entre la France et l’Angleterre.

« Il y a les chalutiers pélagiques qui pêchent le hareng et le maquereau, les chalutiers de fond, les coquilliers et les senneurs. C’est trop pour La Manche, déplore-t-il, ajoutant que des actions sont en cours pour limiter le nombre de senneurs travaillant en Manche.

À l'heure actuelle, la flotte belge utilise toutes les licences disponibles pour la senne et il y a 24 licences néerlandaises.

Mais c’est une décision néerlandaise, précise-t-il. D’autres senneurs viennent mais ils sont sous pavillon britannique. Nous voulons que l’Union Européenne détermine le nombre de senneurs autorisés à pêcher dans La Manche. Il y avait déjà des problèmes d’espace dans La Manche et maintenant il y a le sujet de la pêche électrique. Si elle s’arrête, nous nous attendons à ce que toute la flotte néerlandaise veuille pêcher à la senne dans La Manche. »

Les règlementations pour la pêche dans cette partie du monde n’ont jamais été aussi complexes qu’à présent, avec les incertitudes liées à la pêche électrique et au Brexit.

« Je suis optimiste. Il y aura un accord – mais quand ? s’interroge-t-il, ajoutant que par-dessus le marché il y a la confusion causée par l’entrée totale en vigueur de l’Obligation de Débarquement le 1er janvier de cette année.

C’est une idée folle, déplore Éric Gosselin.

Qui paye pour cela ? Les pêcheurs qui doivent ramasser le poisson, les gens qui doivent le débarquer, le coût du lavage des caisses – tout ceci doit être payé par quelqu’un, mais nous n’avons aucune réponse sur la question. Nous travaillons avec des engins bien plus sélectifs aujourd’hui. Mais les règlementations, les quotas et toutes les AMP contribuent à générer des rejets. 

« 2018 a été une bonne année pour la pêche, tant pour la coquille que pour le chalut. Il y a eu de l’encornet en fin d’année et les captures de rouget et de seiche ont été bonnes. Mais cela a été catastrophique pour la sole. Il y a eu un peu de pêche en février et mars, mais en dehors de cela, pas une sole autour de Boulogne et Dunkerque. Si on veut trouver de la sole, il faut aller jusqu’à l’ouest de la Normandie, » affirme-t-il.

Les pêcheurs français et anglais, en particulier, ont consenti un effort concerté pour mettre fin au chalutage à impulsion électrique, considéré comme la cause de la disparition de la sole en Manche Est.

« Le chalut électrique pourrait être l’une des raisons », explique Éric Gosselin. « Il y a aussi la pollution, le changement climatique et la hausse des températures. Nous observons de nombreuses espèces dont le comportement change – on trouve de la bonite de façon inattendue au large de Boulogne et i pas de cabillaud. Il a migré plus au Nord. »