Voir Ensemble soutient le collectif « Jeunes sourds / Jeunes aveugles : pour l’égalité des chances » en grève ce jeudi 13 juin et exprime ses inquiétudes face aux mesures annoncées pour une école inclusive.
L'association Voir Ensemble gère sur l’ensemble du territoire français 33 établissements médico-sociaux pour l’accueil et l’accompagnement de personnes en situation de handicap.
À ce titre, si elle se félicite bien évidemment de l’impulsion qu’entend donner le gouvernement pour la mise en œuvre d’une politique de construction d’une société inclusive, avec un objectif affiché de 80 % d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire d'ici 2022, elle s'inquiète de ne voir cette transition inclusive envisagée qu’en termes quantitatifs, sans une prise en compte suffisante des aspects qualitatifs et des spécificités des handicaps sensoriels.
En outre, l’objectif annoncé s’accompagne d’une désinstitutionalisation des établissements médico-sociaux, ces établissements étant progressivement remplacés par de vagues plateformes de prestations et de services. Cela suppose la transformation des personnels formés en globe-trotters qui passeront plus de temps en déplacements qu'en véritable accompagnants des enfants et adolescents en situation de handicap qui ont besoin de cet accompagnement.
Cette désinstitutionalisation suppose aussi que le choix du milieu ordinaire ou spécialisé, avec des allers-retours jusque-là possibles, sera désormais impossible.
Or, nous considérons qu'un certain nombre d'enfants et d'adolescents, voire d'adultes, en situation de handicap ont besoin d'un lieu de vie où leur sont dispensés les soins nécessaires et une éducation adaptée par des professionnels formés, en lien avec les familles.
Ils n'y sont pas enfermés, mais au contraire accompagnés avec les moyens dispensés par des professionnels qui constituent des équipes pluridisciplinaires nécessaires au suivi de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte.
L'inclusion préparée et soutenue par ces établissements peut permettre l'épanouissement de l'enfant ou de l'adolescent en situation de handicap concerné, mais il doit pour cela bénéficier d'un véritable accompagnement et d'une véritable intermédiation entre l'établissement ordinaire d'accueil et l'établissement spécialisé, avec un référent pour faire le lien, et les allers-retours doivent être possibles en cas d'échec.
Par ailleurs, une scolarisation accompagnée dans le milieu ordinaire ou maintenue dans le milieu spécialisé, selon les cas, est la garantie d'un accès à l'autonomie dans la vie quotidienne, dans les déplacements, dans l'accès aux loisirs et d'une préparation indispensable aux études supérieures et, ensuite, au marché du travail.
Au-delà des établissements médico-sociaux qu'elle gère, l'association Voir Ensemble s'inquiète, en tant qu'association représentant l'intérêt des personnes déficientes visuelles, des menaces qui pèsent sur l’avenir des Instituts nationaux pour jeunes sourds dont elle est solidaire, mais surtout de celui de l'Institut national des jeunes aveugles (INJA) dont sont issus bon nombre de ses adhérents, et pour qui cette scolarisation en milieu spécialisé n'a en rien été synonyme d'échec scolaire et professionnel. Si l'INJA a permis de soutenir un certain nombre d'élèves en inclusion scolaire, il a aussi permis, pour bon nombre d'enfants et adolescents le désirant ou pour lesquels cela était nécessaire, de s'épanouir au sein de cet établissement spécialisé pour y acquérir connaissances et moyens de compensation indispensables à leur autonomie, voire des atouts supplémentaires, tels que l'apprentissage de la musique, dont certains en ont fait leur métier. Cette alternative à l'inclusion à tout prix permet de considérer chaque personne dans sa singularité et de l'inclure dans une logique de parcours.
L'association Voir Ensemble craint que le transfert de tutelle aux Agences régionales de santé (ARS) de ces établissements spécialisés n’entérinent leur mutation en établissements médico-sociaux, alors qu’ils occupent précisément une place stratégique entre le médico-social et l’Education nationale. Pour sa part, l’INJA maintient en effet en son sein des classes allant de la grande section de maternelle jusqu’au baccalauréat, permettant ainsi aux élèves de bénéficier d’un accompagnement médico-social tout en étant scolarisés soit en inclusion, soit in situ, une spécificité qu’il nous semble essentiel de conserver pour offrir une alternative à l’inclusion systématique qui, pour un certain nombre d’entre eux, est synonyme d’échec. De ce fait, l’INJA et les INJS devraient plutôt être placés sous la tutelle conjointe du ministère de la Santé et de celui de l'Education nationale pour répondre à leur véritable double mission éducative et médico-sociale.
Sans compter que ces établissements, reconnus mondialement comme les berceaux respectifs de la première langue des signes et de l’écriture braille, constituent toujours des viviers de connaissance et d’expertise qui ne peuvent se maintenir et se développer qu’en étant confrontés aux besoins et aux difficultés d’élèves scolarisés dans des classes spécialisées.
Pour toutes ces raisons, l'association Voir Ensemble demande aux interlocuteurs concernés d'être conviée, soit en son nom propre soit au travers de son appartenance à la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA), à une réflexion quant à l'avenir des établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des Instituts nationaux des jeunes sourds et des jeunes aveugles, afin d’éviter que soient prises dans la précipitation des mesures radicales et irréversibles qui pourraient s’avérer contre-productives pour les personnes handicapées sensorielles les plus vulnérables.
Contact : Olivier Randria plaidoyer@voirensemble.asso.fr 01 53 86 00 59
Le communiqué commun sous sa forme originelle est à retrouver sur notre site internet.
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